Au Lavoir, à Clamart, Guy Trahtenbroit a laissé carte blanche à Marc Uzan pour s’exprimer. Sous le système du parrainage, Marc Uzan a choisi Laurent Petit pour s’exprimer à deux voix.Dans les deux charmantes salles voûtées en pierre apparentes, à l’éclairage parfait, une surprise attend le visiteur. Les deux salles s’opposent de fait dès l’entrée.
La première montre des formes de Marc Uzan, anguleuses, voire anxieuses, aux couleurs sombres de céladon et de noirs métalliques et présentées sur des socles noirs. Passé la voûte, Laurent Petit expose des pièces aux formes arrondies, sensuelles et gaies, blanches et claires, sur des socles blancs.
Deux pièces, deux artistes… mais l’alchimie fonctionne.
Sous le titre Septembres. Anonymes, Marc Uzan nous montre un travail commencé en août 2001, un travail que l’on n’attendait peut-être pas de lui, travail qui n’est cependant pas surprenant tant il est dans la continuité de sa recherche libre sur les émaux. « J’essaie d’apprendre à traiter le hasard. »
Un travail spectaculaire sur les décollements d’émaux, tourné à partir d’une forme ronde, la matière étant rajoutée, déformée. Marc appose sur ces formes déchiquetées, une fois séchées, biscuitées, des céladons qu’il a lui-même composés, mélangés. Il les superpose, rajoute de la matière là même où il l’avait enlevée. Pendant la cuisson à 1250° et 1280°C, la cristallisation des céladons bascule et rentre dans la fusion. Il recherche les phénomènes aléatoires de la cuisson et obtient alors une couleur douce, des déchirements pointus, coupants.
Septembres, peu importe alors le titre, c’est la manière dont on reçoit la pièce qui provoque l’émotion. Trois pièces noires, les dernières sorties du four, où Marc a voulu s’effacer derrière la forme mais l’englobe noir est encore là, très riche, métallique. Au milieu de la salle, trois petites pièces soclées, justement nommées Anonymes, trois petites plaques de porcelaine céladon très fines, superposées, gracieuses, trois petits nuages de calme et de sérénité qui font face au chaos de Septembres et montre cependant en une vision fugitive toute la cohérence de l’œuvre.
On connaît les talents d’émailleur de Marc Uzan. Il révèle dans cette exposition sa sensibilité extrême, sa pudeur à laisser ses pièces parler pour lui, continuité d’un travail engagé depuis longtemps. On attend avec d’autant plus d’impatience ses prochaines œuvres. […]Sylvie Caron | Extrait - La Revue de la céramique et du verre N°143 – 2005