Ceramic Review – 2012 | Céramiques de laboraroire

ceramic_review

Mickaël Labbé est un chercheur et professeur de philosophie

Depuis un certain nombre d’années maintenant, Marc Uzan figure parmi les céramistes français les plus importants. Il présente une série de nouvelles œuvres à la Galerie de l’Ancienne Poste de Toucy, série principalement inspirée des formes classiques des verres industriels utilisés en chimie. C’est pourquoi l’exposition est intitulée Céramiques de Laboratoire.

En franchissant la porte de la galerie, le visiteur a le sentiment d’entrer dans une sorte de microcosme, de pénétrer dans un monde à la fois joyeux et bizarre peuplé d’entonnoirs, de fioles, de flasques, de cylindres et d’évaporateurs. Bien que d’aspect moins austère que ses travaux précédents, les nouvelles œuvres de Marc Uzan ont su en préserver toute la force de l’expression formelle (un sens de la perfection « platonicienne » de la géométrie pure), en y ajoutant une dimension réellement rafraîchissante. Là où les œuvres antérieures du céramiste semblaient vouloir maintenir l’observateur dans une forme de distance respecteuse, les nouvelles pièces semblent plutôt l’inciter à se rapprocher, à briser la glace et à entrer dans une forme de jeu avec elles. C’est vraiment l’esprit de l’enfance qui domine cette exposition, mais d’une manière telle que seul un adulte (ou un céramiste au sommet de son art dans notre cas) peut l’invoquer. Tout se passe comme si Marc Uzan explorait les sensations qu’il éprouvait enfant lorsqu’il jouait au « petit chimiste ». En détournant ces formes classiques issues de l’industrie de leur destination première et en les réinterprétant dans un nouveau matériau (la porcelaine), le céramiste invite le spectateur à modifier son appréhension de tels objets, l’incitant ainsi à quitter un niveau de considération des choses selon la pure et simple utilité, cela au profit d’un rapport désintéressé au monde qui nous entoure. Il y a quelque chose de « surréaliste » dans un tel procédé, mais sans aucune violence ici, plutôt comme l’expression d’une joie authentique.

Et il y a les couleurs…Ces couleurs incroyablement belles, qui constituent en fait le vrai sujet de l’exposition. En effet, les couleurs doivent être pensées ici comme le lieu même de l’expérimentation céramique et comme une source d’invention toujours renouvelée. C’est en ce sens, qu’en dépit d’une apparente « rupture » dans le travail de Marc Uzan, nous pouvons déceler une continuité plus secrète. Ces couleurs extrêmement contemporaines (les mauves, le rouge corail, les jaunes dorés, les bleus profonds et les gris d’éther), qui sont le résultat d’une somme de travail et de recherche considérable, s’imposent paradoxalement à l’œil du spectateur dans toute l’immédiateté de leur évidence. Cela ne fait bien évidemment qu’ajouter à l’atmosphère toute nimbée de poésie qui résume parfaitement l’esprit de cette magnifique exposition. En un mot, Marc Uzan est un maître qui est encore capable de jouer.Mickaël Labbé | Ceramic Review septembre 2012


Mickaël Labbé is a French philosophy teacher and researcher

Marc Uzan, known for years as one of the top French ceramists, presents a series of his newest work at the Galerie de l’Ancienne Poste in Toucy. Mostly inspired by the classical forms of industrial glasses used in chemistry, the exhibition is entitled Céramiques de laboratoire (laboratory ceramics).

When you enter this exhibition it feels like you are entering a sort of microcosm, a world that is at the same time joyful and bizarre, a world filled with funnels, phials, flasks, cylinders or evaporators. Less austere than his former work, Uzan has preserved his formalistic concerns, i.e. a sense of platonic perfection, but here the work is allied with a very refreshing light-hearted aspect. His earlier work kept the observer at a respectful distance ; now you want to get closer and they make you want to play with them. For there is the spirit of childhood reigning over this exhibition, but in a way that only an adult, or a master ceramicist in this case, could evoke it, as if Marc Uzan were exploring the sensations he had as child while playing the little chemist. Redirecting these classical industrial forms from their primary destination by recreating them in a new material (porcelain) playfully forces the observer to change his or her apprehension of those ordinary objects, leaving the field of bare utility and considering the surrounding world in a disinterested way. There is something surreal in this process, but without any violence contained in it, rather with an expression of joy.

And then there are the colours, those incredibly beautiful colours, which are in fact the real subject of the exhibition. The colours should be thought of as a field of research and a source of invention. In this is the admission that beyond the apparent ‘rupture’ in Uzan’s work is a more refined and secret continuity. Those amazingly contemporary colours (the mauves, the coral-reds, the golden yellows, the deep blues and ethereal greys), the result of an enormous amount of work and experimentation, so evidently speak to the eye, adding even more to the poetic atmosphere that sums up the spirit of the exhibition. Marc Uzan is a master who is still able to play.Mickaël Labbé | Ceramic Review septembre 2012