Catalogue Musée Bernard Palissy St Avit – 2001 | Marc Uzan le déplacement d’un électron

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Marc Uzan, tôt, s’est distingué par ses émaux de haute température. En son imaginaire, les rouges de cuivre trament probablement les plus troublantes représentations. Une sorte de joie vient de l’illusoire intelligence de phénomènes qui nous échappent. S’il suffisait de cultiver le sentiment de la matière pour accéder à cet étrange domaine, celui de l’ordre du feu, les rouges de cuivre seraient un médiateur privilégié.

Sans conteste, Marc Uzan est autodidacte. Les livres de Bernard Leach et de Rhodes lui permettent de commencer. Bientôt, il s’émerveille des émaux de Ben Lisa et découvre avec émotion ceux d’Édouard Chapallaz. Plus de trois décennies le séparent de ce célèbre céramiste. Après vingt-cinq ans de travail, il examine les transformations accompagnant la naissance des émaux avec l’acuité et l’enthousiasme qui caractérisent le chercheur passionné.

« Domestiquer un rouge de cuivre, c’est comprendre son matériau, son four et la cuisson. » Le tesson, la composition de l’émail, le choix des matériaux, leur nature minérale, la granulométrie, le tamisage, l’épaisseur de la couche d’émail, le cycle de cuisson, le refroidissement… autant de paramètres qui interviennent. Pour le rouge de cuivre, une variation infime de l’un deux détermine, sur le résultat, une modification sans commune mesure avec la cause. L’enfournement a lui-même une incidence sur le développement de l’émail : la disposition des pièces les unes par rapport aux autres, leur taille, leur situation dans la chambre du four dont la température n’est pas homogène… Voilà quelques-uns des facteurs qui conditionnent la circulation de la chaleur. Même l’environnement appartient à l’aléatoire ; la présence d’arbres plus ou moins proches, feuillus ou pas, le vent, selon ses variations d’intensité, l’ouverture d’une fenêtre… Tout intervient et menace. L’atmosphère est difficile à répéter. Seul, le système à air pulsé permet d’affiner le réglage de la quantité d’air qui entre dans le four ; mais des variations peuvent quand même survenir. Rien ne garantit l’élimination de tous les impondérables. Les pertes possibles constituent autant de motifs de découragement et lorsque l’on cherche des variétés de rouge, les problèmes se multiplient. Malgré la littérature spécialisée, le rouge de cuivre, dans ses plus extrêmes subtilités, n’est pas aisément maîtrisable, constate Marc Uzan ; mais loin d’éluder la mobilité des circonstances, il la prend en compte pour agir simultanément sur plusieurs paramètres. Dans un four hétérogène en température et dont l’atmosphère est plus ou moins réductrice, il peut, par exemple, mettre dans une même fournée, des pièces de six à dix compositions différentes, offertes à trois ou quatre niveaux de température.

Marc Uzan compose lui-même ses pâtes en rapport avec son projet. C’est ainsi que la luminosité requiert la blancheur du support, si bien que la porcelaine convient mieux, par exemple, qu’un grès contenant du fer et du titane. Cependant, la couleur du tesson a d’autant moins d’influence que l’épaisseur de l’émail est plus grande. Des détails de ce genre accompagnent la quête et les investigations d’un travail estimé empirique et pratique puisqu’en définitive, c’est toujours le four qui décide de ces phénomènes naturels. Ils se produisent d’eux-mêmes. Le céramiste constate le résultat, fasciné devant la transformation de substances mises en présence. Le changement de couleur tient à très peu de chose… Au déplacement d’un électron d’une orbite à l’autre sur un atome… Mais comment contrôler ces frontières du possible ? Françoise Espagnet | Catalogue Musée Bernard Palissy St Avit - 2001